- histoire de la bande dessinée chinoise, les lianhuanhua (1) -

Publié le par nico-wong

L'apparition de la BD dans la presse et la naissance des lianhuanhua

À la fin des Qing, dans le dernier quart du XIXe siècle, les techniques d’impression lithographique sont introduites en Chine, via Shanghai, par les occidentaux et leur utilisation connaît un développement rapide dans les grands centres urbains. Elles servent alors principalement à produire des gravures illustrant les romans populaires, ou sont utilisées par la presse, à qui elles offrent de nouvelles possibilités.

Dans cette perspective, le quotidien Shenbao (申报) publie dès 1884 un supplément intitulé
Magazine du Studio de la pierre gravée , dont les œuvres auront une influence déterminante sur les futurs dessinateurs de lianhuanhua, sera par la suite vendue séparément. Sa publication cesse en 1898, après avoir contribué à diffuser plus de 40 000 illustrations. Celles-ci se distinguent d’ailleurs encore assez nettement des lianhuanhua par leurs dessins trop figés et les textes d’accompagnement en chinois classique, qui, bien qu’inclus dans l’image, ne figurent pas dans des bulles.

), journal shanghaien révolutionnaire publié quelques mois durant l’année 1909, qui critique vivement l’administration et la police contrôlées par les Mandchous, constituent une étape supplémentaire vers le lianhuanhua. Il s'agit alors d'images plus libres et spontanées avec des textes, des dialogues cernés de « bulles » et parfois une division de l’image en plusieurs vignettes, éléments jusque là caractéristiques des BD européennes et des premiers comics américains. Ce sont également des titres de la presse quotidienne shanghaienne qui publient les premières illustrations de Liu Boliang (刘伯良) et de Li Shuqi (李树丞), deux hommes qui, nous allons le voir, dessineront par la suite les premiers récits complets en bande dessinée. Par ailleurs, l’aspect critique et satirique de certaines gravures publiées dans la presse, dénonçant la mainmise étrangère et des vices de société comme l’opiomanie ou le jeu, annonce déjà l’apparition du genre lianhuan manhua (bande dessinée humoristique, avec ou sans dimension politique). On peut citer par exemple les Cent apparences du vieux singe (老猿百态), publiés en 1913 dans le Journal de la République (民国日报). Cette série tournait en dérision la personne de Yuan Shikai, premier président (despote) de l'Histoire de la Chine, en s'appuyant sur un jeu de mots que permet l’homophonie (yuan) des caractères 袁, le patronyme du dirigeant, et 猿 qui signifie "singe". Ces critiques illustrées de l’impérialisme et des seigneurs de la guerre, accompagné d’explications sur le sens de la révolution, se feront encore plus vives lorsque le front uni entre le Guomindang et le Parti communiste intègre ce style de bandes dessinées dans l’appareil de propagande. Il regroupe alors journalistes et artistes engagés qu’il entraîne dans son sillage au cours de l’Expédition du Nord en 1926, inaugurant ainsi un nouvel emploi de ces supports en les distribuant à la population.

Le cri du peuple

 

 « Réveillez-vous vite ! Compatriotes, secouez vos esprits. » Le Cri du peuple, 1909.

Roman des Trois RoyaumesParallèlement, l’image, déjà sporadiquement présente dans les œuvres littéraires, voit, au cours des toutes premières années du XXe siècle, sa place devenir prépondérante dans les adaptations en albums des grands romans populaires chinois ou, dans des fascicules de plus petit format, de pièces de théâtre pékinois. Cette tendance est accentuée par la diffusion progressive des techniques de photogravure et la multiplication des presses rotatives au sein des grandes villes. Ainsi, en 1908, est publiée une adaptation du Roman des Trois Royaumes tirée d’une version illustrée par Zhu Zhixuan (朱芝轩) datant de 1898 et regroupant plus de deux cent planches d’illustrations. De la même manière, les illustrations lithographiques d’autres romans ou contes, tels qu’Au bord de l’eau (水浒传), Le Rêve du pavillon rouge (红楼梦) ou encore Les Contes extraordinaires du pavillon des loisirs (聊斋志异), sont regroupées dans des fascicules de dix planches. Mais celles-ci ne font pas encore preuve d’une continuité narrative suffisante, contrairement à celles qui composent l’adaptation de récits comme Zhu Geliang prend l’épouse de son choix (诸葛亮招亲) ou Menghuo sept fois capturé (七擒孟获), inspirés des Trois Royaumes, publiés peu après 1911 et illustrés par des dessins de Liu Boliang, Li Shuqi et Zhu Zhixuan. Durant les années 20, dans un contexte de développement de la littérature en langue vernaculaire (le baihua - 白话) qui stimule la création et l’édition de récits complets d’illustrations, ces trois dessinateurs travailleront pour les Éditions du monde qui, entre 1921 - date de leur fondation à Shanghai - et 1929, publient cinq séries de fascicules tirées des plus célèbres romans populaires. L’éditeur leur donne alors le nom de lianhuan tuhua (连环图画), "images qui s’enchaînent les unes aux autres", alors que jusqu'ici l'appellation des BD variait selon les régions : xiaorenshu (小人书) dans le Nord ou encore gongzaishu (公仔书) dans le Sud. Toutes ces adaptations connaissent dès leur publication un très grand succès et l’intérêt porté à cette « littérature d’images » est grand, en particulier chez les classes populaires.

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B
Quels articles intéressants ! J'ai carrément écrit un article pour présenter ton blog : Nico-Wong, un blog qui parle de la bande dessinée chinoise et j'espère que cela t'attirera des lecteurs.
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